Deuxième cause de mortalité par cancer chez l’homme et troisième chez la femme, le cancer colorectal représente un véritable défi de santé publique. Longtemps considéré comme une maladie touchant principalement les personnes âgées, son incidence augmente aujourd’hui chez les moins de 55 ans. Cette évolution a conduit à un renforcement des programmes de prévention et de dépistage.
La prévention et le dépistage : des étapes essentielles
La plupart des pays ont abaissé l’âge du dépistage à 50 ans afin de détecter la maladie plus tôt. Le test FIT, qui recherche des traces de sang dans les matières fécales, constitue la première étape de ce processus. Un résultat positif ne signifie pas forcément la présence d’un cancer, mais impose une consultation chez un gastro-entérologue pour une colonoscopie.
Prof. Dr. Elisabeth Letellier, Principal Investigator et Co-Head of the Molecular Disease Mechanisms Group à l’Université du Luxembourg, explique : “La chirurgie reste le traitement curatif dans 90 % des cas lorsque le cancer est dépisté tôt. Cependant, environ 20 % des patients connaissent une rechute, entraînant une évolution vers des stades plus avancés, où le pronostic devient moins favorable, notamment en présence de métastases hépatiques.”
L’immunothérapie : une révolution en marche
L’immunothérapie est l’une des avancées majeures dans le traitement du cancer. Développée grâce aux travaux des chercheurs James Allison et Tasuko Honjo, tous les deux recevront le prix Nobel en Physiologie et Médecine en 2018, elle repose sur la levée des freins naturels qui empêchent les cellules immunitaires d’attaquer les cellules tumorales. Les “checkpoints inhibitors”, des anticorps spécifiques, bloquent ces inhibiteurs et permettent aux cellules immunitaires d’agir efficacement.
Cependant, comme le souligne Prof. Dr. Elisabeth Letellier : “Bien que cette thérapie ait révolutionné le traitement de nombreux cancers, certains restent résistants. C’est le cas du cancer colorectal, où seule une faible proportion de patients (5 à 10 %) répond à l’immunothérapie. Les tumeurs dites ‘froides’ n’attirent pas les cellules immunitaires, rendant ces traitements inefficaces. La recherche s’oriente donc vers des stratégies permettant de ‘chauffer’ ces tumeurs en y réintroduisant des cellules immunes.”
Les biomarqueurs : une aide précieuse pour le diagnostic et le traitement
L’identification de biomarqueurs permet d’affiner le diagnostic et d’adapter les traitements. Il en existe trois types :
- Biomarqueurs diagnostiques : ils permettent de distinguer une personne saine d’une personne atteinte de cancer.
- Biomarqueurs pronostiques : ils aident à évaluer l’évolution probable de la tumeur et le risque de rechute.
- Biomarqueurs prédictifs : ils indiquent si un patient répondra efficacement à une thérapie donnée.
Dans le cancer colorectal, des recherches approfondies s’intéressent aux biomarqueurs présents dans le sang et les matières fécales. L’analyse du microbiote intestinal, dont la composition diffère entre une personne saine et une personne atteinte, pourrait permettre de développer des tests prédictifs encore plus précis.
Vers de nouvelles solutions thérapeutiques : le microbiote au centre des recherches
L’utilisation du microbiote intestinal constitue une piste prometteuse pour améliorer l’efficacité des traitements. L’objectif est de modifier l’environnement tumoral afin d’y attirer les cellules immunitaires et de rendre les immunothérapies plus efficaces.
« Ces thérapies peuvent entraîner des effets secondaires et sont également très coûteuses. Donc il faut développer des moyens pour qu’elles soient efficaces chez la plupart des patients ainsi que identifier des biomarqueurs qui puissent identifier si le patient va y répondre favorablement ou pas. »
Par ailleurs, des études s’intéressent à l’impact de l’alimentation sur le microbiote et, par extension, sur l’efficacité des thérapies. Un essai clinique mené en collaboration avec le Centre Hospitalier Emile Mayrisch (CHEM) évalue comment différents types d’alimentation influencent la réponse à l’immunothérapie.
“Le microbiote est un domaine de la recherche encore assez jeune mais prometteur. Il peut intervenir comme un second génome à travers lequel on essaie de développer de nouvelles thérapies. C’est l’un des axes de recherche sur lequel nous travaillons. L’objectif est de mieux comprendre comment le microbiote est régulé et comment il peut être utilisé pour de nouvelles thérapies. En parallèle, il est essentiel d’établir des recommandations alimentaires adaptées aux patients en traitement, car il est prouvé que l’alimentation joue un rôle clé dans la modification du microbiote et pourrait ainsi influencer l’efficacité des thérapies anticancéreuses.” conclut Prof. Dr. Elisabeth Letellier.
L’amélioration de la prévention et du dépistage, le développement des biomarqueurs et l’exploration du rôle du microbiote ouvrent de nouvelles perspectives dans la lutte contre le cancer colorectal. Bien que les défis restent nombreux, les avancées scientifiques et cliniques permettent d’envisager des traitements plus efficaces et mieux ciblés.
L’avenir repose sur une médecine personnalisée, où chaque patient pourra bénéficier d’une approche adaptée à son profil biologique, optimisant ainsi les chances de guérison et de survie.