À la croisée de l’ingénierie et de l’empathie, l’entrepreneure singapourienne Rachel Hong redéfinit la manière dont nous traitons les maladies respiratoires chroniques. Depuis son bureau installé à la House of BioHealth au Luxembourg, elle dirige Meracle Health — une entreprise née dans un laboratoire universitaire et qui façonne aujourd’hui l’avenir des soins respiratoires numériques.
Avant de lancer son aventure européenne, Rachel Hong avait déjà bâti une solide expérience en ingénierie médicale. En tant que fondatrice et CEO de Meracle Health (Luxembourg) Sàrl, elle supervise désormais l’expansion de l’entreprise de l’Asie vers l’Europe.
La filiale luxembourgeoise, basée à la House of BioHealth à Esch-sur-Alzette, opère comme une succursale de Meracle Pte Ltd, société singapourienne de healthtech numérique pionnière dans les solutions respiratoires intelligentes.
L’arrivée de Meracle au Luxembourg n’a rien d’un hasard : la société a intégré l’écosystème local de l’innovation grâce au programme Fit4Start, l’accélérateur national géré par Luxinnovation, qui a joué un rôle clé dans la mise en relation de Meracle avec ses partenaires et dans le soutien à son lancement européen.
De la recherche universitaire à l’innovation clinique
Tout a commencé à la National University of Singapore.
Avant de fonder Meracle Health, sa créatrice travaillait à la faculté de médecine, où elle aidait les médecins à concevoir de nouveaux dispositifs médicaux.
« En tant qu’ingénieure, travailler directement avec des médecins était un rêve », se souvient-elle. « Ils nous expliquaient leurs problèmes, et nous pouvions concevoir de vraies solutions. »
Parmi la vingtaine de projets qu’elle a contribué à mener, un cas s’est démarqué : la question d’un pédiatre se demandant pourquoi ses jeunes patients asthmatiques ne s’amélioraient pas malgré des prescriptions correctes.
Le problème, découvrit-elle, ne venait pas seulement de la prise du médicament — mais de la technique.
« L’utilisation d’un inhalateur requiert coordination et précision, » explique-t-elle. « Chez les très jeunes et les personnes âgées, la technique fait toute la différence. »
Cette constatation fut le point de départ de Meracle Health. Une fois le prototype validé, l’équipe s’est retrouvée face à un choix : céder la licence à un tiers ou assumer pleinement le développement du produit. Elle a choisi la seconde option : créer la société, obtenir des financements et affronter le long parcours réglementaire.
« Ce n’était pas un éclair soudain, » dit-elle. « C’était la conviction qu’il fallait aller au-delà de la recherche. Quelqu’un devait porter ce projet jusqu’au bout. »
Discipline, persévérance et ADN de fondatrice
Lorsqu’on lui demande quelles valeurs personnelles elle a insufflées à Meracle Health, elle répond sans hésiter : la discipline.
« En tant que fondatrice, aucune tâche n’est trop petite ou trop grande. Il faut être présent chaque jour, même sans validation ni retour immédiat. Cette discipline — celle de prendre ses responsabilités et de chercher sans relâche les réponses — c’est ce qui fait tenir une start-up. »
Pour elle, la persévérance n’est pas seulement une question d’effort, mais de curiosité.
« En healthtech, le chemin n’est jamais clair. On ne peut pas ‘googler’ les procédures réglementaires ou hospitalières. Il faut frapper aux portes, suivre chaque piste, et continuer à poser des questions jusqu’à obtenir les réponses. »
Réinventer le traitement des maladies respiratoires
Meracle Health se concentre sur les maladies respiratoires chroniques — asthme, BPCO et troubles associés.
Contrairement aux pilules ou injections à dosage fixe, l’efficacité d’un médicament inhalé dépend fortement de la manière dont il est administré.
« Pour les inhalateurs, la technique détermine l’efficacité, » souligne-t-elle. « Quand un patient ne va pas mieux, on pense souvent qu’il faut augmenter la dose ou changer de médicament. Mais souvent, le problème n’est pas ce qu’il prend — c’est comment il le prend. »
Le produit phare de l’entreprise fournit un guidage en temps réel pendant l’inhalation, aidant les patients à corriger immédiatement leur technique.
« C’est comme un compteur de vitesse, » explique-t-elle. « Les autres dispositifs fonctionnent comme des radars : ils vous disent après coup que vous aviez tort. Nous, nous aidons à corriger le geste au moment même. »
Les essais cliniques ont montré des résultats impressionnants : meilleure maîtrise de l’asthme et réduction significative de l’usage de médicaments de secours.
« Pour les enfants, la plus belle victoire, c’est de pouvoir courir, jouer et vivre comme les autres, » sourit-elle. « Une fillette de notre essai fait aujourd’hui du tennis, du basket, de la natation — ses joues roses en disaient long. »
Intelligence artificielle et santé personnalisée
La prochaine étape pour Meracle Health repose sur la donnée et l’intelligence artificielle.
Chaque utilisation de l’appareil enregistre des informations précieuses : fréquence, moment, technique.
Ces données permettent aux cliniciens de distinguer un problème médicamenteux d’un problème d’usage — mais elles vont plus loin encore.
« Nous travaillons sur des modèles prédictifs pour anticiper les crises d’asthme, » explique-t-elle. « En croisant les données comportementales avec des facteurs environnementaux comme le pollen ou la pollution, l’IA peut évaluer le risque de manière personnalisée. Tout le monde ne réagit pas de la même façon aux mêmes conditions — l’IA nous aide à comprendre ces différences. »
La société collabore également avec Infineon, entreprise leader en semi-conducteurs, pour renforcer la sécurité des données et la connectivité — des fondations essentielles pour une santé numérique fiable.
« Nous avançons sur deux fronts, » précise-t-elle : « un logiciel plus intelligent et un matériel plus robuste. »
Le côté humain de la technologie
Au cœur de la philosophie de Meracle Health se trouve un principe fondamental : l’éthique.
« Les patients nous rencontrent au moment où ils sont les plus vulnérables, » confie-t-elle. « Nous devons être à notre meilleur lorsqu’ils sont au plus bas. »
Elle structure cette éthique autour de trois piliers : fonctionnalité, gestion des risques et utilisabilité.
« Le dispositif le plus avancé ne sert à rien si un enfant ne peut pas le tenir correctement. Nous analysons chaque angle, chaque intensité lumineuse, chaque force de prise pour le rendre intuitif. L’ergonomie fait partie de l’éthique. »
Les défis de l’innovation en santé
L’innovation médicale, rappelle-t-elle, ne se limite pas au produit.
« Beaucoup d’entre nous viennent de l’ingénierie ou de la clinique. Nous nous concentrons sur la conception et la performance, mais oublions parfois que la stratégie commerciale est tout aussi cruciale. »
Chaque marché, souligne-t-elle, est un monde à part.
« Un seul appareil, mais cent marchés différents. Chacun avec ses propres règles, ses procédures d’achat, ses acteurs — médecins, infirmiers, administrateurs, pharmaciens, acheteurs hospitaliers. Comprendre cet écosystème est aussi difficile que concevoir le produit. »
Son conseil aux jeunes fondateurs est franc :
« Au début, on croit savoir beaucoup. Puis on réalise à quel point on ignore encore. Ce n’est pas un échec — c’est une étape. Quand on commence à se sentir perdu, c’est souvent qu’on avance dans la bonne direction. »
Trouver un ancrage au Luxembourg
Pourquoi avoir choisi le Luxembourg et la House of BioHealth ?
« Pour l’écosystème, » répond-elle simplement.
« Créer une entreprise peut être un parcours solitaire. On a l’impression d’être seul face à ses défis. Mais dans un écosystème, on découvre qu’on n’est pas seul — d’autres veulent nous voir réussir. »
Elle voit d’ailleurs de fortes similitudes entre le Luxembourg et Singapour : deux pays petits, efficaces et connectés.
« Dans les petits pays, tout le monde se connaît. Cela rend la collaboration plus rapide et l’innovation plus fluide. Ce sont comme des laboratoires vivants — parfaits pour tester et développer des technologies avant leur déploiement mondial. »
Grâce aux connexions de la House of BioHealth, Meracle Health a déjà noué des partenariats avec des institutions locales telles que le Luxembourg Institute of Health (LIH).
« Une rencontre en a entraîné une autre — d’un simple contact à une véritable collaboration de recherche, » se réjouit-elle. « C’est toute la force d’un écosystème soudé. »
Relier médecine et innovation
Pour l’avenir, elle souhaite renforcer les liens entre startups et médecins.
« Au Luxembourg, la plupart des médecins sont indépendants plutôt qu’employés par des hôpitaux, ce qui rend leur implication dans l’innovation plus difficile. Mais je suis convaincue que, s’ils perçoivent l’impact potentiel, ils voudront en faire partie. »
Son ambition : réunir ingénieurs et médecins autour d’une même table — littéralement, sur un même établi.
« À Singapour, les médecins venaient au laboratoire construire les prototypes avec nous. Ils disaient : “Je tiens l’appareil de la main gauche”, et ce simple détail changeait tout notre design. C’est ça, la vraie collaboration. »
Un avenir guidé par l’empathie et la précision
Pour Meracle Health, l’innovation ne se limite pas aux capteurs ou à la donnée : elle vise à rendre le patient acteur de sa santé.
« La santé numérique doit permettre à chacun de reprendre le contrôle de son bien-être, » conclut-elle.
« Les médecins resteront indispensables, mais notre objectif est d’aider chacun à comprendre son propre corps, à percevoir les causes et les effets, et à se sentir maître de sa santé. »
Parce qu’au fond, mieux respirer, c’est mieux vivre — et c’est bien là le véritable miracle que poursuit Meracle Health.